Voici l’histoire de l’implantation d’un système infonuagique dans une communauté d’une centaine de voisins. Dans ce dossier, j’aborderai toutes les étapes de l’implantation : le déploiement, le fonctionnement actuel, la formation continue des voisins et le futur, quelle est ma vision de notre gestion documentaire?
L’objectif initial de cette transformation numérique, c’était de rendre l’information pérenne.
Aujourd’hui, toute cette information n’est plus perdue dans un classeur, mais bien dans un ordinateur. Encore pire, maintenant, elle se perd dans les nuages.
Non pas qu’elle n’existe plus, qu’elle soit corrompue ou dégradée, mais elle est plutôt égarée dans les dédales de dossiers, de fiches et de répertoires plus ou moins bien triés, sur différents supports physiques et services numériques. Elle peut également se retrouver dans les boites courriel de tout un chacun. L’horreur!
À Cohabitat Québec, lorsque je suis arrivé, quelle ne fut pas ma surprise, lorsque j’ai découvert l’étendue de l’information que nous avons : des documents du passé, du présent et ceux à venir.
Nous avions vraiment beaucoup de courriels, de documents, de dossiers, de photos à trier. Mais surtout, c’était que cette panoplie d’information se retrouvait à différents endroits : sur les ordinateurs personnels des membres, dans les boites courriel, sur des disques durs externes, sur des supports physiques et dans divers espaces infonuagiques personnels.
Voici donc l’histoire derrière l’arrivée de G Suite à Cohabitat Québec.
Le déploiement
Nous avons saisi une opportunité, celle d’intégrer le programme Google pour les associations, et migrer notre documentation dans un Drive partagé.
G Suite pour les associations est proposé aux OBNL qui répondent aux critères identifiés par TechSoup Canada. La mission de cet organisme est d’aider les organisations à but non lucratif à réaliser leur potentiel grâce aux nouvelles technologies. Leur rôle est de faciliter l’accès à des technologies diverses, par le partage des outils, des savoirs, des compétences et des talents.
Heureusement, nous répondions aux critères, ce qui a permis l’adhésion gratuite au programme. G Suite pour les associations nous donne accès à G Suite Basic, en utilisant notre domaine cohabitat.ca, pour tous les membres de la communauté. Une économie de 5$/mois/utilisateur, ça représente des économies potentielles de 3 600 $ par année. Wow!
J’avais un double objectif par rapport à l’adhésion de mon voisinage :
- créer 60 comptes G Suite;
- maintenir 30 comptes actifs (1 connexion par mois).
1. Les premiers tests
Après avoir identifié G Suite pour les associations comme suite logicielle à implanter au sein de la communauté, j’ai testé le produit auprès de quelques early adopters et quelques power users de l’information cohabitante.
Les early adopters ont adoré
C’était prévisible, les natifs et sympathisants du numérique ont adoré cette nouvelle approche. Délaisser les courriels et les versionnages approximatifs, c’est le rêve. Retrouver toute l’information pertinente au même endroit, ça devenait drôlement intéressant. Pouvoir stocker nos milliers de documents dans le nuage, c’est le bonheur. Pour ce petit groupe, c’était enfin l’arrivée dans un monde numérique plus collaboratif, plus simple, plus clair.
Au sein de ce groupe se retrouvait bien évidemment des apôtres du numérique, qui utilisaient déjà ces manières de faire dans leurs milieux de travail respectif. C’était donc une prolongation naturelle pratiques déjà établies en matière de numérique.
Les power users ont hésité
J’entends par power users les membres qui utilisent et manipulent l’information de Cohabitat Québec à toutes semaines, à raison de quelques jours par semaine. Ceux-ci créent une panoplie de documents (des factures, des suivis administratifs), en modifient beaucoup (des tables de calculs, des propositions, des guides) et ils en suppriment beaucoup (doublons, documents périmés).
L’accueil fut cependant un peu plus mitigé, bien que l’outil devient plus facile d’utilisation. En fait, au début, on m’a indiqué que l’outil était peut-être trop facile, et que l’altération des documents par tous les membres de la communauté devenait une tâche trop simple.
Anciennement, c’est vrai, c’était plus difficile de modifier les documents dans notre intranet sur WordPress (via le module Simple Files). Mais en même temps, que je ne pense pas que ça aurait été un blocage pour quelqu’un de malintentionné.
J’ai ajouté que les registres d’actions étaient beaucoup plus détaillés sur Google Drive. Je peux donc savoir quel membre a modifié quoi, et identifier précisément quand il l’a fait.
Nous avions l’an dernier un enjeu avec les formats propriétaires de la suite Office (Word, Excel, PowerPoint), puisque l’édition n’était pas compatible avec Google Drive. C’est maintenant réglé, puisque l’éditeur de Google peut désormais éditer facilement les documents de Microsoft.
2. L’annonce aux membres
J’avais commencé à répandre la nouvelle, à en jaser aux repas communs, sur les coursives, et bien évidemment, dans le cercle Communications. Ça devenait très rapidement l’un des grands chantiers de l’année.
Une première annonce dans le blogue fut diffusée. Ce n’était pas très clair, je le pense, comment les membres ont perçu l’annonce : je pense que certains ont apprécié l’initiative, ainsi que cette avancée technologique.
D’autres étaient perplexes, et voyaient peut-être l’arrive de Google Drive comme un remplaçant (inutile) à l’application Dropbox utilisée par d’autres membres.
Beaucoup voyaient par cette annonce l’ajout d’un autre outil numérique, un énième sur la très longue liste des applications utilisées par la communauté. Dans un contexte d’infobésité, cette nouvelle plateforme n’était pas nécessairement la bienvenue.
À ce moment-ci, il y avait 5 comptes de créés.
3. La première vague
Après l’annonce, j’ai créé les comptes des membres qui m’ont rapidement démontré de l’intérêt. J’ai préféré créer les comptes, un à la fois, jour après jour, semaine après semaine. Comme ça, j’ai en quelque sorte contrôlé l’arrivée des membres sur le Drive, et j’ai pu répondre aux questions de pas mal tout le monde.
Je n’avais pas beaucoup de disponibilités dans mon horaire, pour traiter les questions de tout-un-chacun. Mais, je pense avoir répondu aux à la plupart de questions des intéressés au projet.
Rapidement, le nombre de comptes a grimpé à 20. Yay, ça avance!
4. L’adhésion massive
Les membres ont rejoint massivement l’espace infonuagique lorsque j’ai officiellement débuté le transfert des documents vers le Drive. J’avais alors plusieurs sources :
- Un espace intranet (Avec le plugin Simple Files sous WordPress);
- Quelques espaces infonuagiques (Dropbox & Google Drive principalement);
- Un disque dur.
Un jour donné, j’ai donc débuté le transfert des données, cercle par cercle. Lorsque les données d’un cercle étaient tous transférées dans le Drive, j’ai vérifié que tous les membres dudit cercle avaient accès à l’espace. À l’occasion, j’ai créé les comptes manquants.
À chaque création de compte, j’ai envoyé un courriel personnalisé au membre, afin de l’inviter à rejoindre l’espace infonuagique de Cohabitat.
J’ai donc procédé ainsi, cercle par cercle, une semaine après l’autre. J’ai échelonné le travail sur une dizaine de semaines (nous avons 8 cercles).
Après 2 mois et demi, tous les documents étaient désormais transférés dans le Drive. J’ai conservé les sources documentaire durant quelques semaines, avant de commencer à supprimer les documents originaux.
À la fin de cette étape, j’avais créé 65 comptes. Premier objectif, réussi!
5. Les retardataires
Certains membres n’ont jamais réellement pris le temps de se connecter au Drive, afin d’aller consulter la documentation proposée. Ce n’est pas plus grave que ça. Ici et là, je soutiens l’arrivée de ces derniers membres dans le Drive.
6. Les nouveaux membres
Lorsqu’un nouveau membre rejoint la communauté, je le rencontre et lui présente nos outils numériques, si le besoin se fait sentir. De manière individuelle, je peux donc lui présenter l’espace documentaire et les différentes fonctionnalités. C’est souvent une rencontre appréciée par les jeunes recrues.
Retour sur mes objectifs
Voici, voilà, c’est l’heure du bilan.
Au moment d’écrire ces lignes, j’ai 65 comptes dans G Suite, dont une trentaine sont actifs dans Drive, à toutes les semaines. Ça ralentit durant l’été, et je dois avouer que c’est bénéfique de savoir que les voisins profitent de leurs vacances estivales!
Fonctionnement actuel
Tous les documents principaux sont déposés dans un Drive partagé nommé Cohabitat Québec. Tous les voisins y ont accès, mais certaines actions sont réservées aux secrétaires et aux power users.
Une structure documentaire basée sur les cercles.
La manière dont nous structurons les document est assez simple. Lorsque qu’un dossier relève du cercle Communications, par exemple, il est déposé à cet endroit, dans le dossier Cercle Com. Lorsque la gouvernance d’un dossier change, le dossier se promène d’un sous-dossier à l’autre, tout simplement.
Est-ce que c’est la meilleure manière de trier l’information? Peut-être pas, l’approche par sujet serait peut-être à évaluer. Mais pour le moment, ça fonctionne plutôt bien.
Si l’approche basée sur les cercles est celle qui domine, c’est aussi pour faciliter la tenue des réunions de cercles et des suivis à donner. Dans un cercle, il devient alors plus facile de réaliser les suivis à même une structure documentaire qui représente les dossiers sous sa responsabilité.
Des accès variables, pour un rôle variable
Les membres n’ont pas tous les même accès à l’information. Voici les principaux rôles, dans le langage de Google :
Le lecteur : L’accès de base, c’est la lecture. Nous pourrions donc offrir cet accès aux membres externes du conseil d’administration, ou bien aux adolescents/jeunes adultes intéressés. Nous pourrions également leur donner un droit de commentateur, lors de consultations, par exemple.
Le contributeur : C’est l’accès normal, pour le membre à part entière. Il peut créer et modifier des documents existants. Seul bémol, il ne peut pas déplacer ou supprimer les fichiers du Drive.
Le gestionnaire de contenus : Le secrétaire a également le droit de déplacer et de supprimer les documents du Drive partagé. Sont également gestionnaires de contenu les power users de Cohabitat Québec.
L’administrateur du Drive partagé : actuellement, nous sommes 2 à détenir les droits d’administration de ce Drive partagé. Nous pouvons modifier le rôle de tous les voisins et gérer tous les paramètres de cette espace infonuagique.
L’administrateur G Suite : il crée les utilisateurs dans l’univers G Suite, peut suspendre les droits, peut activer ou désactiver les logiciels utilisés par la communauté. C’est également cette personne qui a accès aux journaux et registres de toutes les actions faites dans le domaine cohabitat.ca.
Bref, la responsabilité des membres est partagée en fonction des usages requis par les fonctions de tout-un-chacun.
Les autres espaces partagés
J’encourage les équipes de travail ou les cercles à se créer un Drive partagé uniquement pour leurs dossiers, dans la mesure où il s’agit d’un espace où se retrouverait des documents de travail pas nécessaires à l’ensemble de la communauté. Certains dossiers sensibles pourraient s’y trouver, également.
Enfin, les unités d’habitation peuvent également se créer un Drive partagé. Gabrielle et moi, on s’est créé un espace, juste pour nous deux.
L’édition des documents : avec les logiciels de Microsoft ou ceux de Google?
Certains travaillent directement dans le Drive, alors que d’autres, utilisent les logiciels de la suite bureautique Microsoft Office. Ce qui est bien, c’est que les éditeurs sont compatibles entre eux. Un document Word débuté sur un ordinateur portable, lorsque transféré dans le Drive, peut ensuite être édité à l’aide de Google Document (l’équivalent de Word dans l’univers Google). L’inverse est également possible : un document Google peut être converti dans les formats Microsoft Office.
Souvent, les document collaboratifs (G Suite) sont utilisés dans la gestion des réunions de cercle (édition plus rapide, plus facile de récolter les commentaires de tout-un-chacun, dernière version toujours disponible au même endroit). Cependant, les documents traditionnels (Office) sont souvent utilisés pour la gestion financière de l’organisation ou les documents ayant un caractère officiel. La suite proposée par Microsoft est définitivement plus robuste et offre des possibilités supplémentaires : macros, croisement de données, etc.
Limites technologiques de Google Drive
Voici quelques limites technologiques identifiées, dans l’ordre ou le désordre :
- Chaque Drive d’équipe est limité à 400 000 documents et dossiers. Mais au moins, l’espace de stockage est illimité.
- Chaque voisin est limité à 30 Go d’espace disque personnel, dans son espace personnel nommé « Mon Drive ». L’espace devient illimité s’il se crée un Drive partagé pour son unité d’habitation, par exemple.
- Nous n’utilisons pas Gmail pour nos courriels, puisqu’actuellement, c’est un redirecteur qui est en place, au niveau du cPanel de notre hébergeur Web. Par exemple, sylvain.gingras-demers (a) cohabitat.ca mène vers mon courriel Gmail.
- Google Drive ne devrait en aucun cas être considéré comme une solution de sauvegarde de l’information. Je continue donc à copier l’ensemble de Drive partagé sur un disque dur externe, à chaque mois.
Formation continue des voisins
C’est mon devoir de renouveler les formations proposées aux membres, lorsque je constate que l’usage observé diminue. Dans la console d’administration, j’ai une courbe qui me présente, à chaque semaine, l’évolution des usages de la plateforme. Dans les 6 derniers mois, je peux donc identifier une tendance, puis proposer au besoin un café-formation, pour les voisins intéressés.
Je devrais donc sonder, au moins une fois par année, les voisins sur nos outils numériques : est-ce que ça répond à vos besoins, est-ce que c’est trop compliqué, etc.
La formation continue passe par des ateliers de groupe, nous les nommons café-formation, après un repas commun. La formule est simple : j’invite les voisins à rester et à adresser leurs questions au groupe. Ensuite, je réponds ou un autre membre de la communauté le fait à ma place. Je rencontre également les voisins, ici et là, pour des formations individuelles. J’encourage bien évidemment le partage de l’information et des bonnes pratiques, il y a donc à Cohabitat des ambassadeurs du numérique, qui naturellement proposent leur aide à qui bon leur demande.
Le futur : quelle est ma vision de notre gestion documentaire?
En guise de conclusion de cette étude de cas, je me permet une petite réflexion sur le futur de notre gestion documentaire à Cohabitat Québec.
Si la tendance se maintient, le nombre de documents et de dossiers va continuer de croître, année après année. Bientôt, nous devrons mettre en place un plan de gestion documentaire, afin d’identifier ce qui doit être conservé et ce qui pourra être détruit. La rédaction d’un tel document sera probablement complexe et ce sera un travail de longue haleine. Appliquer ledit plan sera également une tâche colossale.
J’aime bien l’expression : avoir une bonne hygiène numérique. Ultimement nous devrons trouver des moyens pour limiter la création de nouveaux documents, afin d’éviter de se perdre dans un énorme cafouillis.
Devrait-on se créer des archives?
Ce qui prévu, c’est la sauvegarde du Drive partagé sur un disque dur externe, à tous les mois. Actuellement, c’est une action manuelle de ma part, mais je devrais réfléchir à une automatisation du processus. Et un ajouter un processus incrémentiel au passage, pour économiser l’espace utilisé par les copies de sécurité? Bref, ajouter un genre de Time Machine au processus de sauvegarde.
Nous devrions peut-être aussi réfléchir à l’épuration de nos documents, afin de conserver uniquement les versions finales des documents les plus importants. Cependant, ça implique un travail de moine, plutôt solitaire et assez monotone. Et à Cohabitat Québec, on préfère grandement les célébrations communautaires et les discussions entre voisamis, autour du foyer.
N’est-ce pas?
Le moteur de recherche, de plus en plus performant et intuitif
Si nous ne réussissons pas à tout trier, à séparer le bon grain de l’ivraie, alors nous pourrons continuer à faire confiance au moteur de recherche intégré à Google Drive. Il est de plus en plus performant et intuitif. Il s’agit en effet d’un bon exemple de machine learning : la découvrabilité de nos documents est très certainement liées à différents facteurs d’usages : les documents les plus consultés sortent souvent en premier, ceux qui sont liés entre eux également.
Ensuite, Google réalise une recherche plein texte, dans tous les documents du Drive. Et dans un futur pas si lointain, le Drive pourra probablement répondre aux questions simples adressées vocalement comme : il y’a combien d’enfants dans la communauté? Ou bien, quel est mon solde à la micro-épicerie? Est-ce qu’il y’a de la bière dans le frigidaire de la maison commune? (Bon je fabule un peu ici…). C’est le Web 3, ou le Web du sens.
Espérons que le programme Google pour les associations persiste dans le temps et propose gratuitement aux OBNL des espaces infonuagiques performants et efficaces.
Si vous vous êtes rendus jusqu’ici, je vous remercie d’avoir tout lu. C’est la première fois que je rédige et diffuse un billet si long (2500 mots) dans mon blogue et pour une clientèle très spécifique. S’il manque des précisions ou si vous avez des questions, je vous invites à me les adresser ici-bas, je bonifierai l’article ensuite.
Au plaisir!
Laisser un commentaire